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On a tous un jour pensé être... ailleurs

Pouvoir faire le grand saut, changer de vie, partir, loin, si loin que même nous, on ne se reconnaîtrait pas.

On le sait si bien : partir, ce n'est pas pour ne plus être ici, mais bien pour ne plus être. Tout simplement. Pouvoir s'oublier, l'espace d'un instant. Un instant éternel si possible. Enfin. Jusqu'à ce que, malgré nous, on ait besoin de la compagnie des autres. Est-ce possible ?

Un célèbre disait : L'enfer c'est les Autres. Tous nous l'avons pensé au moins une fois dans notre vie : je serais tellement mieux autre part, sans personne.

On croit tous qu'on n'est pas destiné à être ici, là et maintenant. Qu'on a tous une destinée tellement plus grande, plus sereine et plus d'identité. Mais les jours passent et personne ne se retourne sur vous. Vous êtes invisible pour le reste de l'humanité. Vous n'existez pas. Vous êtes là, mais vous pourriez aussi bien être ailleurs. Les gens ne vous reconnaissent que quand ils ont besoin de vous, non pas pour toutes les qualités que vous avez développé, mais pour que eux puissent lire dans vos yeux que eux, oui, ils existent pendant ce court instant.

D'ailleurs ça ne les satisfait même pas. A peine avez-vous détourné votre regard après ce service rendu, qu'ils vous rappellent encore pour autre chose, voire même pour se montrer "humain".

"Merci Jean, t'as bien fait de passer"

"Qu'est-ce que j'aurais fait sans toi, Marie"

Ils attendent, comme des requins devant leur proie, que vous les regardiez, que vous les fassiez exister. Sans vous, ils ne sont rien, eux non plus. Ils se repaissent de vous grâce à toute cette technologie moderne qui vous entoure, téléphone, fax, cam, qui leur octroie la liberté de venir envahir votre espace, sous prétexte que sans vous, ils ne sont rien.

Savez-vous ce qui se passe quand vous ne vous retournez plus sur eux?

Avez-vous déjà tenté l'expérience de l'ignorance, détourner cet automatisme qu'on vous a enseigné à toujours vouloir aider autrui ?

Après l'incompréhension et le doute, vous voyez dans leur regard l'amertume et le dégoût, cet instant de rage qui suit l'insatisfaction du désir inassouvi. Vous sentez votre coeur qui se broie devant tant d'injustice, tant de haine. Vos genous plient sous l'effort de rester à cette place en cet instant. Votre esprit en déroute est tenté de faire marche arrière face à la folie destructrice qui se profile devant vous.

Restez là. Zen. Respirez. Ce que vous ressentez est le manque. Plus vous restez, plus votre esprit se libère de ses chaînes, une à une, vous les sentez glisser le long de votre corps. Plus vous attendez, plus est proche l'instant où il sera trop tard pour faire machine arrière. Les autres ont déjà fait leur jugement. Vous êtes déjà damné à perpétuité. Restez et profitez plutôt. Sentez votre esprit s'ouvrir à d'autres raisonnements. Vous gardez vos sens actifs, vous voyez, vous constatez, vous apprennez à SAVOIR. Non plus à connaître ce qu'on vous a appris par l'éducation, mais cette sensation du SAVOIR, instinctif et inconscient.

Libéré, votre esprit est comme celui d'un nouveau-né. Etonné, curieux, tenté de faire des expériences. Vous allez adorer vous laisser submerger par vos sens, reconnaître vos anciens réflexes chez les autres, et observer les réactions prévisibles des gens face à l'image que vous voudrez leur renvoyer.